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Channel: Télérama.fr - Disques
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Riots in the jungle

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Dans le style tropical bass, forme hétéroclite née du télescopage des musiques du monde, du hip-hop et de l'électro, il faut désormais compter avec la scène sud-africaine. La preuve, magistrale, avec le premier disque du duo formé par la chanteuse sud-africaine Cata.Pirata et le producteur hollandais Jori Collignon. Partis à la rencontre des jeunes talents locaux (le très funky chanteur reggae Gazelle, le groupe de hip-hop Driemanskap, le musicien de rock expérimental João Orecchia...), ils ont concocté à partir de leur périple austral une jungle sonore qui crépite et décrasse. Cumbia dictadura en mode transe synthétique, choeurs traditionnels (le tribal Killing Aid, librement inspiré du fameux Here comes the hotstepper, d'Ini Kamoze), Love jihad mené du bout d'une clarinette klezmer sur un dubstep guerrier, ou encore harangue politique sucrée (Anti-capitalista)... ça tire dans tous les sens, en anglais, afrikaans, xhosa, zoulou, espagnol et portugais. De la fraîcheur des alliages, de la profusion de beats lourds et poisseux, exsude une fièvre exotique au charme vénéneux.

| 1 CD Crammed Discs/Wagram.


Médée

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Un coup d'oeil trop rapide sur la jaquette du DVD pourrait tromper : non, il ne s'agit pas d'une vidéo posthume de la chanteuse Amy Winehouse, retrouvée morte à Londres l'an dernier. Pourtant c'est bien sa tignasse choucroutée d'un noir d'encre, le même trait d'eye-liner surlignant le regard, ses tatouages sur les bras, sa minirobe de cuir. Mais grâce à ce look iconoclaste de rock star, Médée, rôle chanté, (la soprano Nadja Michael, incendiaire) est d'emblée une étrangère, une extra-lunaire dans le monde terre à terre du lyrique. Comme Médée, la magicienne barbare de Colchide, est une étrangère intolérable dans la Grèce civilisée et civilisatrice de Créon. Son refus d'être abandonnée par l'homme qu'elle aime, Jason, le père de ses enfants, ne peut se réduire à un banal drame de couple et de vengeance conjugale.

En charge de l'opéra de Luigi Cherubini, créé en français à Paris, au sortir de la tourmente révolutionnaire, en 1797, le metteur en scène polonais Krzysztof Warlikowski s'est emparé du mythe antique dans le même esprit moderne que le cinéaste Pier Paolo Pasolini, dans sa Medea de 1969 — film où il offrait à Maria Callas son unique rôle cinématographique, quasi muet. Reléguant la légende de la Toison d'or et celle des Argonautes parmi les accessoires périmés, Krzysztof Warlikowski ne garde du scénario mythologique que l'enjeu spirituel, le défi moral : l'intransigeance passionnelle contre les compromis mous. La droiture jusqu'au-boutiste contre les petits arrangements menteurs. Jusqu'à ­préférer l'infanticide et la mort à une vie fausse. En élevant son spectacle à l'austère rigueur d'un rituel religieux — un Stabat mater païen —, le metteur en scènerend un formidable service aux pauvres rimailles de François-Benoît Hoffman, comme à la musique de Luigi Cherubini, puissante mais peu mélodieuse. Abaissé d'un demi-ton, le diapason baroque des Talens Lyriques adoucit l'âpreté des tessitures, en particulier celle du rôle-titre, aux aigus meurtriers, et celle de Jason — le ténor Kurt Streit, roitelet couronné de dreadlocks, fier-à-bras rasta d'une veulerie machiste. Certains tableaux atteignent une émotion bouleversante : le retour de Médée, après avoir poignardé ses fils, simulant une grossesse « rétroactive » en cachant les vêtements souillés de sang sous sa robe. Déniant du même coup à l'amant infidèle paternité et procréation. Et revendiquant pour elle une maternité pure, vierge — innocente, même dans le crime et l'abomination.

Créé à Bruxelles en 2008 et repris en 2011, bientôt à l'affiche du Théâtre des Champs-Elysées (1) , ce spectacle envoûtant, l'un des plus accomplis qu'ait signés Krzysztof Warlikowski (avec l'Iphigénie en Tauride de Gluck, au palais Garnier, en 2006) méritait impérativement d'être filmé : notre plus beau cadeau de fin d'année ! — Gilles Macassar

| Avec Nadja Michael, Christianne Stotijn, Hendrickje van Kerckhove, Kurt Streit, Vincent LeTexier, Choeur de la Monnaie, orchestre Les Talens Lyriques, réalisation Stéphane Metge | 2 DVD Bel Air Classiques.

Rave Age

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Depuis Discovery, de Daft Punk, et Audio Video Disco, de Justice, peu d'albums ont à ce point fait s'écharper la famille électro. Au moins est-ce le signe d'un disque qui surprend et qui a de la personnalité... Les gardiens de l'orthodoxie techno auront beau jeu de pester : malgré son titre trompeur, Rave Age, troisième album de Vitalic, ne flirte que rarement avec la musique entendue dans les raves mais plus volontiers avec la pop mainstream. Il n'a pas non plus grand-chose à voir avec Flashmob, précédent album du compositeur dijonnais, qui s'inspirait avec bonheur du disco de Giorgio Moroder — mais sans les tubes. Faut-il s'en réjouir ? Car Rave Age comprend une demi-douzaine de succès en puissance, formatés pour les festivals, dont La Mort sur le dancefloor, avec Julia Lanoë, chanteuse de Sexy Sushi. Mais qui a envie d'entendre des titres dance aux voix sirupeuses comme Under your sun ou Lucky Star, qui singent éhontément l'affreux David Guetta ? Heureusement, l'abrasif Stamina rappellera aux fans Poney EP, qui assit jadis la réputation de Vitalic, et le très pop Fade away possède l'évidence et la classe d'un hit des The Chemical Brothers. Rave Age ? Un album qui accroche autant qu'il agace.

 | 1 CD Pias.

Tout tourne autour du soleil

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« Je ne suis pas une rappeuse, mais une contestataire qui fait du rap », prévenait-elle dès la sortie de son premier album (1) . Six ans plus tard, Keny Arkana n'a pas changé. A sa déclaration d'intention, on pourrait encore ajouter que chez elle la contestation est un second souffle — voire un premier. C'est du moins ce qui transpire, une fois de plus, de ce deuxième album studio. Une rage salvatrice, une colère motrice, qui fait gronder le flow âpre et nerveux des mots, ni haineux ni vengeurs, ni cyniques ni complaisants, mais toujours déterminés à pulvériser les conforts et les égoïsmes.

De son passé cramé de fugues en foyers, Keny Arkana s'est relevée avec des rêves d'indignée, dont les ennemis jurés se nomment inertie et résignation. Logique que la voix de Stéphane Hessel ouvre l'un de ses titres (Indignatos), comme un écho tutélaire. Tous les autres sont à l'avenant, déroulant un même mélange de désillusions et de candeur un brin messianique, qui veut encore croire que le salut du monde dépendra de la volonté de chacun. Sans exclusive. A l'image, au fond, de son rap parfois symphonique (un brin pompier mais généreux), qui ose des clins d'oeil à la chanson, à la world, au ska, au r'n'b, ou même... au musette (Fille du vent) ! Album fleuve et indompté, dont on ressort un peu sonné. Et vivifié.

(1) Télérama nº 2968.

| 1 CD Because.

Fireflies

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Mieux vaut ne pas être du genre timide quand on déboule à 24 ans sur une scène occupée par cette foudroyante génération qui porte les noms de ­Baptiste Trotignon, Manuel Rocheman, Jean-Michel Pilc ou Jacky Terrasson, ­sacrés monstres du jazz piano. ­D'appartenir à une illustre famille de musiciens, les Casadesus, n'a sans doute pas donné froid aux yeux à ­Thomas ­Enhco.

Avec son troisième album, il s'arme de lucioles (fireflies) au bout des doigts, et l'on comprend vite qu'il a décidément ce qu'il faut : un toucher qui donne un son original, la croche agile, l'âme musicale. Il dispose aussi de ce qui importe à un pianiste, un vrai trio, formé avec des musiciens qui entrent dans son jeu avec enthousiasme et générosité : le contrebassiste Chris Jennings et le batteur Nicolas Charlier. Ce jeu, Thomas Enhco le joue dans un lyrisme amical, frais, détendu, plein de fragrances subtiles. C'est un style qui a tout le charme de la jeunesse et bien peu de son habituelle arrogance. Il n'est pas dépourvu de narcissisme, parfois le virtuose se mire dans ses touches, admire sa propre aisance, agite sa chevelure romantique. Mais ce n'est que le prix d'un plaisir mélodique qu'il sait communiquer avec entrain et sensibilité. Quand on l'écoute se livrer à la Traümerei, la rêverie de Schumann, on salue le pianiste, et, pour les douze autres morceaux, des compositions personnelles, on souhaite la bienvenue à un musicien que, désormais, on ne perdra pas de vue.

| 1 CD Label Bleu.

Blak and blu

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Il se passe rarement dix ans sans qu'on nous fasse le coup du nouveau Hendrix. Ces derniers mois, c'est un jeune Texan de 28 ans, Gary Clark Jr, qui s'est débrouillé avec ce costume forcément mal taillé pour faire flamber sa réputation sur les scènes américaines (jusqu'à la Maison-Blanche, où il a tapé le boeuf avec B.B. King et Mick Jagger). Après quelques disques bricolés, son premier album sous l'étiquette Warner était une des sorties les plus attendues de 2012 et, s'il n'échappe pas aux pièges de la superproduction racoleuse (une poignée de chansons néosoul sans grand intérêt), le guitariste d'Austin confirme en quelques minutes saturées d'électricité qu'il est bien le bluesman le plus en verve de sa génération.

Il faut faire le tri dans les quinze titres de ce Blak and blu, mais les huit minutes intenses de When my train pulls in nous renvoient fissa à la belle époque du Cream d'Eric Clapton, mélodie au cordeau et guitares de feu. Things are changing est une ballade sensuelle où les pédales wah-wah tricotent une ambiance tamisée, You saved me fait dans le style princier (celui de Minneapolis), romantique et chargé d'ondes statiques. Et Bright Lights est un modèle de blues urbain, lourd et fiévreux, où le jeune homme se pavane : « A la fin de la nuit, vous aurez appris mon nom. » C'est sûr.

| 1 CD Warner.

Tanguísimo Le printemps d'une révolution

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Sources inaccessibles, inexploitables, peu fiables... pas facile de réaliser l'anthologie d'une légende du tango argentin. Cet épais coffre à soufflet, clin d'oeil au bandonéon, se concentre sur le début de sa carrière : plus de deux cents titres, témoins de l'explosion du génie « révolutionnaire » du compositeur.

Au fil des formations, son tango se transforme, du tango-violonade (Orquesta Típica, avec sept bandonéons, quatre violons...) au tango symphonique, par l'ajout d'une guitare électrique (Octeto Buenos Aires) ou au gré d'influences néoclassiques et be-bop (Quinteto Nuevo Tango). Une chronologie éclatante de l'avènement du tango nuevo.

| 9 CD Le Chant du monde/Harmonia Mundi.

Nord

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Avec leurs fameuses « voix blanches », presque criées, calquées sur une technique pastorale moyenâgeuse, ces six jeunes musiciens polonais se sont faits les chantres brillants du néofolk d'Europe de l'Est, mariant vieilles chansons populaires et instruments oubliés (un violon suka qui se joue avec les ongles, des percussions aux vibrations tribales) à l'esthétique punk rock. Ils explorent ici des horizons plus lointains, pour remonter aux racines culturelles communes aux peuples slaves, scandinaves et aborigènes. Dans cette aventure inédite et palpitante, s'invitent ainsi le groupe suédois de rock trad Hedningarna, qui raconte l'histoire d'une polka voyageuse (la danse kujawiak « empruntée » par la Suède), et la chanteuse native canadienne Sandy Scofield, qui rappelle, sur un War's coming aux dissonances chamaniques, que les Vikings firent voile jusqu'au Canada. Danses frénétiques au lyrisme guerrier, complaintes polaires aux atmosphères énigmatiques..., ils recréent ensemble des steppes organiques et sauvages, hantées par les fantômes des conquérants d'antan, l'esprit des ancêtres inuits et même une trompette qui sème une zizanie jazzy dans les archaïques violonades. Froide et envoûtante, une musique à faire fondre la banquise.

| 1 CD Jaro/L'Autre distribution.


L'Oiseau de feu, Le Sacre du printemps

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« J'ai l'impression que ce ne sont pas deux années, mais vingt, qui se sont écoulées depuis L'Oiseau de feu », confie Stravinsky au fils de Rimsky-Korsakov, alors que germe dans son esprit le projet du Sacre du printemps. Quel formidable bond en avant, en effet, de L'Oiseau de feu, première oeuvre commandée par Diaghilev pour les saisons parisiennes de ses Ballets russes, au Sacre du printemps, dont la création, le 29 mai 1913, dans un Théâtre des Champs-Elysées flambant neuf, déclenche l'un des scandales les plus mémorables de l'histoire de la musique.

A la veille de célébrer le centième anniversaire de cet événement, le nouvel enregistrement du jeune chef rus­se Tugan Sokhiev, à la tête de son orchestre toulousain, replace ces deux oeuvres phares dans une lumière aussi juste qu'éclatante. Pour en faire mieux ressortir la proximité et l'écart. La continuité d'une tradition, dans l'une, et, dans l'autre, la rupture violente avec tout ce qu'on connaissait. L'Oiseau de feu (joué ici dans sa version abrégée de 1919) assume et assimile l'héritage de Rimsky-Korsakov, professeur particulier du jeune Stravinsky à Saint-Pétersbourg ; sa Shéhérazade est gorgée de coloris exotiques, d'harmonies sensuelles, auxquels les timbres rutilants de L'Oiseau de feu, ses accords vaporeux font écho.

Ce tribut payé, Stravinsky s'émanci­pe. Avec ses rengaines de « caf'-conc' », ses flonflons de limonaire, Petrouchka, deuxième commande passée par Diaghilev, fait un pied de nez à la bienséance académique. Deux ans plus tard, redoublement d'audace : avec Le Sacre du printemps, Stravinsky lance une bombe. L'attentat d'un anarchiste des rythmes, d'un Ravachol orchestral dynamitant les symétries, pulvérisant équilibres et carrures. « De la musique de sauvage avec tout le confort moderne », s'amusait Debussy, qui se souvenait de son exécution du Sacre au piano, à quatre mains avec l'auteur, comme d'un « beau cauchemar ». Ce cauchemar, Tugan Sokhiev se garde bien de nous en réveiller, mais aussi d'en oublier la beauté. Une beauté mélodique mystérieuse et raffinée, à laquelle de nombreux enregistrements ne prêtent guère d'attention, ou qu'ils escamotent. Comme si les premières générations d'interprètes du Sacre avaient eu trop à faire avec la jonglerie diabolique des rythmes, l'irrégularité périlleuse des accents à contre-temps, pour cerner les zones d'ombre délicates, ouvrir les parenthèses de lyrisme secret. Certes, la musique du Sacre danse, trépigne, cogne ! Mais elle chante aussi — à voix basse, en aparté. Notamment dans chacune des introductions aux deux parties, et dans les « cercles mystérieux des adolescentes ». Equilibrée et subtile, l'élégante direction de Tugan Sokhiev nous rappelle qu'entre uppercut et caresse, la musique du Sacre n'a pas dit son dernier mot. Signe de permanente jeunesse, comme si ce n'étaient pas cent printemps qui s'étaient écoulés depuis sa création, mais à peine dix.

| 1 CD Naïve (+ 1 DVD en bonus).

Beau geste

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De quoi peuvent-ils bien être le plus fiers, les jeunes membres du Quatuor Hermès ? De leur moisson de trophées, engrangés en moins de quatre ans d'existence officielle ? On ne compte plus leurs premiers prix - au concours de musique de chambre de Lyon, en 2009 ; au concours de Genève, deux ans plus tard ; enfin, au Young Concert Artists de New York, il y a un mois. Ils n'ont pas à rougir non plus de la lettre de recommandation envoyée par le pianiste Alfred Brendel, après les avoir entendus à l'Académie musicale de Villecroze, dans le Var : « l'un des meilleurs, parmi les jeunes quatuors les plus prometteurs ». L'avalanche de distinctions n'a pas tourné la tête de ces quatre ex-étudiants du CNSMD de Lyon, qui sont allés se perfectionner à Berlin, auprès d'aînés chevronnés - le Quatuor Artémis, notamment. Avec l'appui du Quatuor Ysaÿe et de son altiste Miguel da Silva, ils publient leur premier CD, honorant deux pères fondateurs du genre : Haydn et Beethoven. Curieusement, c'est dans un spécimen de jeunesse du premier qu'on les sent le plus scolaires. En revanche, dans l'opus 127 de Beethoven, qui ouvre la série de ses cinq derniers quatuors à cordes, les Hermès s'affranchissent des défis d'un archet ailé, comme les talons du dieu grec dont ils empruntent le nom. Romain Rolland voyait dans ce quatuor majestueux, empli de l'écho du Benedictus de la Missa solemnis, un « Parthénon » de la musique de chambre. Des Propylées aux frises des chapiteaux, les Hermès y déploient une souveraineté marmoréenne. — G.M.

 

Haydn, Beethoven, Quatuor Hermès | 1 CD Nascor-Bréguet/Harmonia Mundi.

Vernet-les-Bains

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En 2003, il demandait, la voix chargée d'urgence : « C'est quand le bonheur ? » Près de dix ans plus tard, beaucoup moins exalté, il répète posément : « L'amour est éternel... jusqu'à ce qu'il s'arrête. » Pas encore totalement résigné, mais cruellement lucide, comme quand on se réveille avec une gueule de bois : voici donc le Cali d'aujourd'hui. Démaquillé. Rompant avec l'emphase de ces dernières années qui, loin de le grandir, l'avait réduit à sa caricature. Entre-temps, il aura connu les aléas du succès, changé de label et assumé une tournée en piano-voix. Ce cinquième disque en est le fruit, mûr : sa nouvelle légèreté musicale l'apparente bien plus à une chanson classique — voire Rive gauche —, qu'à la famille pop. Cali chante sobrement (autant que possible), laissant l'espace à ses textes. Il en est d'assez forts : Mes vieux cinglés, lettre de rupture entre un fils et ses parents, d'une dureté redoutable mais pas haineuse ; Une femme se repose, tableau touchant d'un être à bout de vie. Pour le reste, Cali dit encore et toujours des histoires d'amour perdu, mais sans ressentiment. On n'en demandait pas tant : à force d'apaisement, son disque finit par manquer d'emportement. Par chance, le titre final, dialogue avec plusieurs collègues chanteurs (Miossec, Malzieu, Bénabar, Dominique A...), est une jolie pincée de sel. 

Wind

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L'esprit de Miles Davis, déjà, planait sur Diasporas, le premier disque du trompettiste franco-libanais. Avec ce quatrième opus, BO d'un film muet de ­René Clair (La Proie du vent), l'hommage au compositeur du mythique ­Ascenseur pour l'échafaud, de Louis Malle, est officiellement consommé. Même orchestration en quintet, avec le contrebassiste Larry Grenadier, le batteur Cla­rence Penn, le saxophoniste Mark Turner et le pianiste Frank Woeste. Mêmes climats élégants de vieux polar new-yorkais, mélancoliques et mystérieux. Opérant un virage radical vers un jazz de facture classique, Maalouf signe un disque d'atmosphères et de sensations en noir et blanc, fugaces et intenses. Avec ce plus orientalisant qui singularise l'hommage : cette façon émouvante de cultiver le doute, le suspense, l'angoisse et la sensualité du son unique de sa trompette à quarts de ton. Elégant.

Live at The Top of The Gate

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En octobre 1968, Bill Evans présentait son nouveau trio, parfaitement rodé, au club Top of the Gate qui, comme son nom l'indique, se trouvait au-dessus du célèbre club Village Gate, tenu par Art D'Lugoff sur Bleecker Street, en plein Greenwich Village. Ce trio se composait de Bill Evans au piano, Eddie Gomez à la contrebasse, Marty Morell à la batterie. Bill Evans avait perdu en 1961 le prodigieux contrebassiste Scott LaFaro, dont le style, libéré de la scansion régulière du tempo, avait changé la conception même qu'il se faisait du trio. Il mit un certain temps à trouver un musicien capable de le remplacer : Eddie Gomez avait ce qu'il fallait d'agilité, de capacité d'écoute et de réaction immédiate ; mieux encore, d'invention dans le dialogue. Marty Morell reprenait avec sans doute un peu moins de présence que Paul Motian le rôle d'un batteur se mettant au service de l'entente parfaite entre le pianiste et le bassiste.

Au Top of the Gate, en cette année 1968 qui connaissait tant de bouleversements sociaux et culturels, Bill Evans ne se laissait pas détourner de sa route : un classicisme animé par un lyrisme fiévreux. Les deux sets que cet enregistrement inconnu (et de bonne qualité technique) nous livre contiennent chacun une version d'Emily permettant de mesurer la part d'improvisation audacieuse que ce grand trio mettait en œuvre.

Histoires d'ONJ - 4e volume

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- L'écoute était accessible jusqu'au 26 juin -

Americana

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On a beau savoir que Neil Young a récemment retrouvé Crazy Horse pour la première fois depuis 2003, on a appris avec le temps que le très productif Canadien était rarement là où on l'attendait. A l'annonce d'un nouvel album baptisé Americana et composé de reprises de grands standards du folklore américain, on n'a pu s'empêcher d'imaginer un aimable recueil acoustique (esprit Prairie Wind, 2005), logique contre-pied au radical et bruyant Le Noise (réalisé en 2010 avec Daniel Lanois). Raté. Americana n'a rien d'un disque tranquille dans la veine du Good As I Been to You, de Bob Dylan. S'il s'agit bien d'un retour aux sources de la musique et de l'histoire de l'Amérique à travers des chansons folk (Oh Susanna, Clementine, This Land is Our Land, Gallows Pole.), Young s'en empare avec force pour démontrer leur pertinence intacte, leur toujours brûlante actualité.

Survie et dignité
Avec l'envie d'en découdre comme à l'époque du tonitruant Ragged Glory (1990), le Loner et ses fidèles frères de son, toujours au diapason, leur infligent ce caractéristique traitement électrique dont ils n'ont rien perdu du secret. « It gets into a good groove », entend-t-on Young lancer à ses acolytes à la fin d'Oh Susanna, et il a raison. Telle une miraculeuse jam session improvisée, histoire de fêter leurs retrouvailles, les quatre compères s'en donnent à cœur joie, sans retenue, mais avec une belle rigueur, à faire gronder ces chants d'une Amérique qui souffre et qui lutte pour sa survie et sa dignité. Comme si la notion même d'« americana », dont Harvest fut l'une des matrices il y a quarante ans – et en danger de galvaudage aujourd'hui – avait besoin d'être clairement redéfini. Get A Job renvoie au rock'n'roll qui avait inspiré un récréatif album de rockabilly avec les Shocking Pinks au milieu des eighties, Wayfarin' Stranger offre quelques doux moments de répit. Ailleurs, les guitares rugueuses vibrent à l'unisson et la rythmique cogne avec passion, soutenant le chant éternellement plaintif et puissant d'un Young toujours gaillard à 67 ans. Et lorsque, pour finir, il s'attaque à God Save The Queen, il ne s'agit ni d'un nouveau clin d'œil à Johnny Rotten, ni d'un simple rappel de sa nationalité canadienne, mais d'un solennel devoir de mémoire : jusqu'à 1931, date de l'instauration du Star Spangled Banner comme hymne national américain, celui de l'Angleterre en faisait office, par défaut. Grand archiviste de sa propre œuvre, Neil Young sait mieux que quiconque, que seule la connaissance de l'Histoire permet de toujours avancer.

Ecouter l'album de Neil Young en streaming.


Test deborah : type audio britney

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The Moonjellies : You don't have to (sur le EP Jellies making friends under a cloudless sea)
www.myspace.com/themoonjellies

The Pyschologist And His Medicine Band : Fish it with your hands
(sur l'album The Unforgettable Trip of The Psychologist and his Medicine Band, 1 CD Un-je-ne-sais-quoi)
www.myspace.com/thepsychologisthismedicineband

The Elderberries : It doesn't really matter (tiré de la compilation du Fair 2009, disponible. Album en mars)
www.myspace.com/theelderberries

Bleu Venise

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Elégante, dans le geste et dans le verbe. Voix de cimes et d’abysses qui transforme les mots en notes et dessine en traits vibrants les sensations les plus fortes. Daphné écrit et chante hors des modes, hors du temps, peut-être même parfois un peu hors des humains. Son denier album, sorti l’an passé, est un ovni poétique survolant de très haut cette « nouvelle chanson » enracinée dans la terre ferme. Bleu Venise dégage un onirisme digne des grands auteurs de la chanson. A se demander pourquoi on ne l’entend pas plus souvent.

Misery

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Laïka et Elisabeth Kontomanou sortent leurs albums en même temps, on les compare donc. La première publie son deuxième disque, la seconde, couronnée d'une Victoire du jazz méritée, en a une bonne dizaine derrière elle. La généa-logie musicale de Laïka Fatien, chanteuse française à la double origine marocaine et ivoirienne, s'entend dans son art dépouillé et frémissant : Billie Holiday, Nina Simone, Abbey Lincoln, les grandes amoureuses écorchées. Le projet de chanter des airs rendus célèbres par Billie Holiday est audacieux. Il devient carrément gonflé quand la chanteuse attaque avec Strange Fruit, la chanson qui évoque un lynchage dans le Sud, introduite par le piano erratique de Robert Glasper qui déroule d'étranges paysages haletants. Elle s'adjoint aussi un soliste au saxophone, David El Malek, qui lui donne la réplique pour un What's new a capella très émouvant. Le tout, bien conçu dramatiquement, donne un disque prenant, qui n'usurpe pas sa référence à Lady Day.

Pour Elisabeth Kontomanou, la maturité artistique (et probablement existentielle) atteinte lui permet d'aborder l'art difficile du récital avec pianiste seul. En Laurent Courthaliac, elle a trouvé le partenaire idéal : aussi discret et sensible qu'Ellis Larkins avec Ella Fitzgerald, il l'accompagne avec une tendresse et une attention sans égale. Le répertoire inspiré par le blues lui permet de donner de la voix à pleine puissance et aussi avec un recueillement inhabituel (qu'on essaie d'écouter I'm a fool to want you en gardant les yeux secs !). Un disque qui réhabilite enfin le jazz vocal encombré par des chanteuses aussi jolies qu'approximatives.

Bleu Venise

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Bleu Venise est le troisième album de Daphné, réalisé par l'Américain Larry Klein. Elle y peaufine un univers fantasmagorique et sensuel, assez unique dans la chanson française d'aujourd'hui. Bleu Venise est un coup de cœur de la rédaction. Retrouvez sa critique dans le Télérama du 9 février.

Valérie Lehoux


Découvrez à partir de mercredi 2 février en avant-première 10 des 13 titres de Bleu Venise

Pour écouter la suite de l’album, rendez-vous sur www.daphne.fr

Moi en mieux

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Voilà un peu plus de dix ans, elle créait Non ça s’peut pas, l’une des plus belles chansons d’amour qu’on ait jamais entendues. Toute l’inventivité et la modernité de Clarika éclataient dans ces paroles à l’apparente naïveté, chargées d’émotion et de justesse. Mine de rien, pile dans le mille ; de l’art de renouveler un genre très éculé en un refrain et trois couplets. En l’entendant, Vincent Delerm dit en être resté coi, et plein d’autres avec lui. A tel point qu’aujourd’hui des centaines d’amateurs se passent et se repassent ce trésor du répertoire comme un bien très précieux, dont on se demande pourquoi il n’a pas suscité davantage d’intérêt.
De Clarika, on pourrait presque en dire autant. Son précédent album, sorti en 2005, suivi d’une tournée de deux ans (!), avait fini par chatouiller un peu la curiosité des radios et des télés, mais elle reste largement méconnue. Et pourtant ! Avec sa plume émancipée, capable de faire surgir la poésie la plus élégante des mots les plus quotidiens, c’est elle qui a réveillé l’écriture au féminin, dès le milieu des années 90, bien avant que des Anaïs, Jeanne Cherhal ou Camille s’engouffrent dans le chemin ainsi défriché. Trop en avance, peut-être, pour s’imposer d’emblée. « A l’époque, les filles n’étaient pas si nombreuses à écrire leurs propres textes, surtout avec ce style… Mais je n’oserais jamais revendiquer une quelconque primeur. Disons que depuis quelque temps d’autres individualités sont apparues, se démarquant des traditions et des clichés. » On avait oublié : dès qu’elle descend de scène, Clarika est une discrète, qui rechigne toujours à se mettre en avant.
Avec un parcours comme le sien, elle aurait pourtant de quoi en épater plus d’un. Clarika, « petite Claire », en hongrois, est la fille unique d’un réfugié politique qui quitta son pays – à pied – après l’invasion soviétique pour devenir poète, apaisant la douleur de l’exil dans ses cahiers d’écriture. Enfance chargée de lettres et d’histoire. « Tout cela m’a donné le goût des mots, c’est sûr, d’autant que ma mère était prof de français... Chez nous, il n’y avait pas la télé, plutôt des livres. Mais l’écriture ne s’est pas imposée à moi comme un irrépressible besoin. Avant de me lancer, j’ai multiplié les petits boulots, essayé le théâtre, répondu à des annonces du genre “groupe cherche chanteuse”… Finalement, je me suis mise à écrire quand j’ai compris que c’était le meilleur moyen pour moi de monter sur une scène. »
Car il est bien là, le grand plaisir de cette drôle de timide, capable de débuter un concert déguisée en fée, d’inviter à ses côtés l’interprète de la BO de La Boum (l’oublié Richard Sanderson, qu’elle avait retrouvé pour un duo mémorable à La Rochelle), de tenter une reprise de Trust dans une explosion de décibels ou de raconter au public des histoires à mourir de rire… Le tout malicieusement calé entre deux de ses chansons, mélange constant de tendresse et de dérision.
Cette « patte Clarika » a toujours été là : évidente dès le premier album, en 1993, et intacte sur le dernier, le cinquième, coréalisé par Florent Marchet et Jean-Jacques Nyssen, le complice éternel. Au milieu de ce disque contrasté, parfois piquant, mené tambour battant, où pour la première fois elle aborde de front des sujets politiques (Bien mérité, hymne au second degré à la solidarité), Clarika nous glisse au creux de l’oreille un nouveau titre bouleversant. La chanson parle des liens d’une mère avec son enfant ; elle s’in­titule Lâche-moi et elle ne vous lâche plus. Sur ce thème-là, c’est ni plus ni moins l’une des plus belles qu’on ait jamais entendues. Douze ans après Non ça s’peut pas.


1 CD ULM, 4F

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